F. B. : Tu as toujours eu une mémoire d’éléphant, tu n’as jamais rien oublié et ça ne doit pas être facile...
R. G. : On écrit des livres.
Romain Gary, La nuit sera calme
Arriverai-je à me souvenir de chacune des chambres où j’ai séjourné ? Curieusement, il me semble que oui. Et j’ai un souvenir aussi précis de certaine chambre où je n’ai passé que quelques heures que de certaine autre où j’ai vécu mille et une nuits. Et par quelle chambre commencer ? Une chambre de l’enfance ? Une chambre de joie ou une chambre de tristesse ? Une chambre d’amour ou une chambre de solitude ? Et cela importe-t-il ? Peut-on ordonner (à) la mémoire comme s’il s’agissait d’un jeu de cartes dont on devrait sérier les enseignes et les figures ?
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Je ne trouve pas le nom de ce vert. Je le vois. Et une jeune femme, là, rue Montorgueuil, vient de passer devant moi portant ce vert au cou. Précisément ce vert-là, celui de ma chambre dans la maison des aïeuls. La seule à part celle de ma grand-mère dont les murs n’étaient pas blancs. Et dans ma mémoire, même les meubles – le lit, la commode – étaient de ce vert-là. Très tendre. Un peu acide, mais très tendre.