F. B. : Tu as toujours eu une mémoire d’éléphant, tu n’as jamais rien oublié et ça ne doit pas être facile...
R. G. : On écrit des livres.

Romain Gary, La nuit sera calme

Arriverai-je à me souvenir de chacune des chambres où j’ai séjourné ? Curieusement, il me semble que oui. Et j’ai un souvenir aussi précis de certaine chambre où je n’ai passé que quelques heures que de certaine autre où j’ai vécu mille et une nuits. Et par quelle chambre commencer ? Une chambre de l’enfance ? Une chambre de joie ou une chambre de tristesse ? Une chambre d’amour ou une chambre de solitude ? Et cela importe-t-il ? Peut-on ordonner (à) la mémoire comme s’il s’agissait d’un jeu de cartes dont on devrait sérier les enseignes et les figures ?

antichambre_02

Faire un inventaire de mes chambres – une presque fiction de chambres – pour ne pas faire celui de mes amants ? Ou pour le faire de façon détournée, travestie ? Peut-être. Peut-être aussi. Mais il n’y a pas exacte concordance entre les deux. Certaine chambre aura vu plusieurs amants, certains amants auront connu plusieurs chambres. D’autres encore, rares, n’auront eu, en lieu et place d’une chambre et d’un lit, qu’une voiture, un hangar, une dune. L’histoire en serait aussi longue que celle de mes chambres, mais autre. C’est une autre histoire, tout à la fois incluse et exclue.